La question de la donnée client prend une ampleur de plus en plus importante dans les discussions entre experts, dans les études menées par certaines institutions, et même dans les bureaux des entreprises. Dans la plupart des études que je lis sur les défis des marketeurs, ceux liés à l’utilisation et à la compréhension de la donnée client sont toujours en haut de liste. Nous le vivons d’ailleurs avec nos clients, qui ont des défis grandissants et se posent d’importantes questions pour le futur. Moi-même gestionnaire marketing, je me demande constamment comment je peux exploiter cette riche information … et les défis sur mon chemin ne cessent d’être présents.
Pourquoi sommes-nous autant intéressés à avoir un contrôle sur l’information disponible? Pour de multiples raisons, dont:
- La capacité à réagir plus rapidement face aux comportements en ligne et hors ligne;
- La volonté de moduler les messages, les contenus qui sont envoyés aux personnes;
- L’importance d’obtenir une vue globale, qui connecte tous les points de contact d’un client;
- La possibilité de communiquer dans une optique omnicanale, en prenant compte des autres contextes du client … donc d’éviter de travailler en silo!
Bref, tout cela pour mieux personnaliser l’expérience globale qu’a une personne avec votre marque. Si la personnalisation est l’ultime objectif quand on touche à la donnée, on peut difficilement y arriver si ce bloc est chambranlant et ne nous permet pas de partir sur des bases solides.
Cette base, elle se rapporte à un grand concept, celui de structurer l’information. Dans le jargon technique informatique et de la donnée, c’est ce qu’on appelle la structure de donnée, ou l’architecture de données. Une étude récente, qui a interrogé plus de 600 spécialistes du marketing, a révélé que le plus grand obstacle à la personnalisation est en effet l’architecture des données. Dans les années passées, on parlait de l’intégration de données tierce et la qualité des données comme étant les plus grands défis. Maintenant, nous ne pouvons lier que les données sont présentes, mais que le défi est plutôt l’organisation de cette information pour créer une stratégie de personnalisation réussie.
Comme l’a déjà dit le président d’Amperity :
«Les données – des outils d’envois de courriel, au suivi des clics, des transactions en magasin et des bases de données des programmes de fidélisation aux CRM, MDM, EDW, DMP, et autres outils d’analyse et de BI – elles sont piégées et cloisonnées. Sans une image complète des achats, des préférences et des comportements de vos clients, une personnalisation efficace est impossible». – Martech Advisor
Ces silos conduisent nécessairement les entreprises à adopter une approche fragmentaire face à la personnalisation, puisque les sources de données sont dispersées. Les équipes n’ont d’autres choix que de prendre leurs décisions sur des informations incomplètes, basée sur une portion infime de l’information.
Ainsi, pour bien personnaliser, il faut bien se structurer. Pour cette raison, retournons sur les bancs d’école ensemble et passons en revue quelques concepts qui n’allégeront certainement pas cet article, mais qui sont essentiels à comprendre pour y arriver.
Qu’est-ce qu’une architecture de données?
J’ai rassemblé quelques définitions telles qu’elles ont été énoncées par certains experts :
- C’est un vocabulaire commun qui exprime les exigences intégrées qui garantit que les actifs de données sont stockés, organisés, gérés et utilisés dans des systèmes à l’appui d’une stratégie organisationnelle. (Dr. Peter Aiken)
- Un ensemble de règles, de politiques et de modèles qui déterminent le type de données collectées et la manière dont elles sont utilisées, traitées et stockées dans un système de base de données». (Keith D.Foote)
- C’est comment utiliser les données de manière efficace et en se basant sur les besoins des entreprises». (Sven Blumberg, et. al., McKinsey)
- Elle décrit comment les données sont collectées, stockées, transformées, distribuées et consommées. Les IT sont aussi responsables de mettre en place des règles régissant les formats sur les bases de données et les systèmes de fichiers, ainsi que les systèmes de connexion des données avec le processus commercial qui les consomme». (DalleMule et Davenport, Harvard Business Review)
- Ce sont des modèles, politiques, règles ou normes qui régissent quelles données sont collectées, et comment elles sont stockées, organisées et utilisées dans un système de base de données et/ou dans une organisation». (Dictionnaire des affaires)
Si on regarde les points communs de toutes ces définitions, il faut retenir que la structure de données n’est PAS qu’un concept technique qui régit comment une donnée est transférée d’un point A au point B, mais aussi une réflexion qui entre dans la stratégie de l’organisation. Elle force les membres qui ont besoin de ces informations à :
- Savoir quelles données retenir, transférer, modifier, etc.
- Comment seront-elles utilisées, qui a un impact sur les processus de stockage par exemple.
- Qui devra s’en servir, ce qui a un impact sur l’accessibilité.
Une fois ces informations comprises, on peut alors passer au mapping des chemins de la donnée. Il faut rendre ces flows tangibles, afin de mieux les comprendre et pouvoir prendre des décisions sur ceux-ci.
Globalement, c’est un processus qui doit être systématisé, qu’on ne doit pas perdre de vue. Ce n’est donc pas une tâche qu’on fait en début d’année, ou à quelques reprises pour répondre à certains besoins. Si on veut assurer cette continuité dans le traitement des données d’une organisation, il faut assurer sa gouvernance. C’est pourquoi on parle de plus en plus de la gouvernance des données … même si ce n’est pas un concept nouveau du tout!
Gouvernance des données
La gouvernance des données est le processus qui gère la disponibilité, la convivialité, l’intégrité et la sécurité des données dans les systèmes d’entreprise. Ces 4 éléments sont basés sur des normes et des politiques internes qui contrôlent également l’utilisation des données. Ainsi, là où la structure de donnée vise à mapper les flows, la gouvernance assurance plutôt une éthique dans son utilisation.
En effet, une gouvernance efficace garantit que les données sont cohérentes et fiables et qu’elles ne sont pas utilisées à mauvais escient. Elle est de plus en plus essentielle à mesure que les entreprises sont confrontées aux nouvelles réglementations en matière de confidentialité des renseignements personnels. C’est un sujet qui est réellement devenu important avec la mise en vigueur du règlement européen sur la protection des informations personnelles (RGPD), qui force les organisations à nommer un responsable de l’information, dont son identité doit être partagée.
Un programme de gouvernance des données est soutenu par une à plusieurs personnes, dépendamment de la taille et de la complexité d’une organisation. Une grande organisation pourrait avoir une équipe de gouvernance, un comité de pilotage ou encore des gestionnaires techniques qui assurer l’aspect technique relié à la donnée. Une organisation à plus petite échelle pourrait n’avoir qu’une personne dédiée à ce poste. On entend de plus en plus, à la suite du RGPD, le terme architecte de données, qui n’a rien à voir avec un analyste BI.
Qu’est-ce un architecte de données?
Cette personne est, métaphoriquement, le cerveau derrière l’architecture des données. Il traduit les besoins des différentes unités commerciales en données et en exigences qui seront appliqués sur les systèmes. En partant des besoins et des objectifs de l’entreprise, l’architecte de données crée une feuille de route technologique pour atteindre les objectifs. Il crée des plans pour les flux de données et les processus qui stockent et distribuent des données provenant de sources multiples aux personnes qui en ont besoin.
L’architecte de données est donc le collaborateur en chef qui coordonne les intervenants dans les départements, les partenaires commerciaux et les fournisseurs externes autour des objectifs de l’organisation pour définir une stratégie de données. Il doit alors :
- Définir la vision des données : il faut passer d’exigences d’affaires à des exigences techniques, qui deviennent la base des normes et des politiques internes en matière de données.
- Définir l’architecture des données : dont les normes pour les modèles de données, les métadonnées, la sécurité, les données de référence telles que les catalogues de produits, et les données de base telles que l’inventaire et les fournisseurs.
- Définir les flux de données : ceux-ci régissent quelles parties de l’organisation génèrent des données, quelles parties utilisent les données et comment les flux de données sont gérés humainement et techniquement.
Dans les prochaines années, il y aura un réel défi de recrutement pour ce type de profil, puisqu’on cherche un individu technique, capable de comprendre le jargon informatique, sans pour autant appliquer les processus IT qui soutiennent les décisions d’architecture. Il doit cependant être en mesure de comprendre les défis d’entreprise, et ceux des gestionnaires pour prendre des décisions qui répondront à ces deux domaines, qui ne souvent pas en accord.
Caractéristiques d’une bonne structure de données
Si on revient à nos moutons, nous avons déjà expliqué que la structure de données a un impact direct sur la capacité des entreprises à personnaliser. En effet, les données sont le carburant qui alimente la personnalisation, mais l’utilisation de mauvaises données peut faire échouer tous les efforts de personnalisation. Il est donc essentiel que les données soient précises et pertinentes pour le client – sinon la relation avec le client risque de s’effondrer.
Si l’impact est aussi important, il serait alors intéressant de comprendre les caractéristiques d’une bonne architecture de données … en voici 5!
- Orienté vers l’utilisateur : Dans une architecture de données moderne, on doit penser aux personnes qui se serviront de l’information. Il faut donc que l’architecte créer des solutions pour faciliter l’accessibilité, tout en respectant la sécurité. Ce sont les objectifs commerciaux qui détermineront cette orientation.
- Construit sur des données partagées : Une architecture de données efficace repose sur des structures de données qui encouragent la collaboration. Elle élimine les silos en combinant les données de toutes les parties de l’organisation, ainsi que des sources externes si nécessaire, en un seul endroit pour éliminer les versions concurrentes des mêmes données. Une solution de Référentiel Client Unique comme celle offerte par Dialog Insight est un bon exemple.
- Est élastique/évolutive: On entend ici la capacité à s’adapter aux besoins croissants des entreprises sur la donnée. C’est une des raisons pour lesquelles les entreprises se dirigent de plus en plus vers le Cloud, puisque c’est moins long à mettre en place que des serveurs sur place.
- Simple : La simplicité l’emporte sur la complexité dans une architecture de données efficace. Il faut viser les chemins directs, que ce soit dans les mouvements de la donnée, les plateformes choisies, les cadres d’assemblage, etc.
- Sécurisé : La sécurité est intrinsèque à une bonne architecture de données moderne. C’est probablement le point qui prendra le plus d’importance dans les prochaines années. Ceci garantit que les données sont disponibles selon le principe du besoin de savoir, tel que défini par la gouvernance des données d’une entreprise. Une bonne architecture de données reconnaît également les menaces existantes et émergentes à la sécurité des données et assure la conformité avec des législations telles que l’HIPAA et le RGPD.
Quels sont les impacts d’une bonne architecture sur la personnalisation?
Il y en a plusieurs, et certains seront spécifiques à une organisation, mais de façon générale nous savons que :
- La collecte des informations se fait plus facilement, ce qui permet de briser les silos entre départements, unités d’affaires, et même avec les fournisseurs/partenaires. Des données de meilleure qualité = une meilleure personnalisation.
- Cela créer des profils clients beaucoup plus complets, qui prenne en compte les parcours qui sont complexes et multiples. C’est donc plus facile d’agir sur la connaissance globale, et non pas juste sur 1 seul canal.
- Il y a moins de silos organisationnels, puisque les informations sont transmises entre départements. C’est plus facile de personnaliser si les informations nécessaires sont accessibles, notamment sur l’inventaire, la logistique, la comptabilité, les visites en magasins, les achats, etc.
- Il y a un meilleur suivi des règlements et restrictions : en éliminant les risques d’utiliser la donnée de la mauvaise façon, les équipes marketing se concentrent à bien communiquer, sans avoir à se soucier au quotidien si elles enfreignent des lois.
Il s’agit d’un overview très rapide. Je couvrirai dans un prochain article les défis de la personnalisation, et j’irai plus en détail sur les façons d’approcher ceux-ci. Les solutions, non surprenantes, se trouvent bien souvent dans la structure de l’information.
Par où commencé pour s’améliorer?
La première étape pour mettre en place une architecture de données en bon et du forme est d’assurer que les équipes qui ont besoin de certaines informations peuvent bel et bien y accéder. Si ce n’est pas le cas, vous avez un défi d’accessibilité. Et attention, rendre accessible ne veut pas dire donner accès au buffet à tous les employés. Il s’agit plutôt de mettre en place des processus régulés qui permettront de rendre disponibles les données aux bonnes personnes.
Une fois que le travail de mapping est commencé, il y aura certainement des décisions à prendre au niveau de la gouvernance. Il faudra donc mettre en place un cadre de gouvernance des données. Pour cela, vous devez évaluer les principes de bases qui garantissent que votre information est utilisée à bon escient.
Outre les outils, il faudra aussi penser aux personnes. Quelle sera la personne responsable de piloter ce projet? Devez-vous recruter à l’externe ou vous avez un employé qui serait capable de commencer ce projet petit à petit, en partant des besoins les plus urgents en matière de données ?
Il vous faudra aussi intégrer une stratégie de communication à l’interne pour démontrer que les données seront mieux traitées et gérées à l’interne. Ce projet en est un organisationnel, et les employés doivent être menés par le potentiel des données pour respecter les normes qui seront mises en place.
Finalement, d’autres initiatives peuvent en découler, certaines plus techniques, comme la mise en place d’un nouvel outil, ou plus stratégiques, comme la modification des méthodes de travail ou la création de nouveaux postes.
Conclusion
Ouf! Tout un sujet. Je pense qu’on entend très peu d’organisation parler de structure de donnée. D’une certaine façon, cela a beaucoup de sens puisque c’est très unique à un contexte organisationnel. Mais d’une autre, il y a certainement des principes directeurs qui méritent d’être partagés, et qui doivent devenir des normes afin que les entreprises puissent respecter les nouvelles lois, et la vie privée de leurs clients. Cet article ne touche qu’à la pointe de l’iceberg!
Je finirai en disant qu’en temps que marketeur, il faut démocratiser les sujets entourant la donnée. Bien que le marketing soit devenu en bonne partie digital, et que cela a rendu les gens un peu plus techniques, beaucoup de personnes se sentent intimidées quand on parle de ce sujet. Ce n’est pourtant pas quelque chose qu’on peut ignorer. Au contraire, c’est un sujet sur lequel on doit gagner en compétence, puisque ce sera une flèche à notre arc essentiel pour bien faire notre travail dans le futur.